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Le covoiturage prend le large ?

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Les propriétaires de bateaux se retrouvent parfois seuls. Passée l’excitation du début – les sorties en mer avec les amis, les croisières avec les enfants et les après-midi en tête à tête avec madame… -  certains naviguent en solitaires, et ne s’en satisfont pas que ce soit pour des raisons de sécurité ou de convivialité ! C’est parce que ses parents, prenant de l’âge, ont dû céder leur bateau, qu’Aurélian a eu l’idée, en septembre de 2014, de créer avec Guillaume un site Internet dédié.


Le principe ?


Mettre en relation propriétaires et passagers, un peu comme pour le co-voiturage. Sauf que l’idée est ici moins de faire un trajet d’un point A à un point B que de vivre une expérience avec des gens partageant la même passion. Que cela dure le temps d’une sortie en mer, d’une croisière ou d’un voyage. Les propriétaires peuvent indiquer si des loisirs – ski nautique, bouée, pêche à la traîne – sont disponibles. Quant aux équipiers, ils précisent leur niveau d’expérience. Une façon pour eux de naviguer à prix modique (en général entre 0 et 75 euros la journée) et pour les propriétaires de couvrir en partie les frais de leur bateau.

Plusieurs sites se partagent actuellement le marché français, chacun avec sa spécificité. Certains entendent proposer des « expériences » et insistent sur l’aspect « convivial » de la démarche. D’autres proposent de « profiter » d’un trajet déjà prévu par un propriétaire de bateau, pour s’y rendre également, gratuitement ou contre faible dédommagement. Des pratiques innovantes, qui séduisent de fait de nombreux propriétaires et amateurs.


Une « uberisation » de la plaisance ?


Pour autant, ces pratiques pourraient menacer nombre de compagnies de transport maritime et d’opérateurs de croisière, qui dénoncent d’ailleurs un flou juridique et une situation de concurrence déloyale. La justice a été saisie ; et dans un arrêt du 12 mai 2013, la Cour de Cassation a assimilé pour l’heure ces nouvelles pratiques au covoiturage.

En clair, tant que l’activité demeure « à but non lucratif » et que les coûts sont « partagés » entre les usagers, la répression des fraudes considère qu’il n’y a pas de concurrence déloyale. Mais la frontière entre « activité à but lucratif » et « partage des coûts » est mince. Comment savoir dès lors si le propriétaire ne fait pas de bénéfices ? « Faute de jurisprudence en la matière, le bon sens doit prévaloir », indique Jérôme Heilikman, juriste spécialisé en droit maritime et président de l’association Legisplaisance.

Un autre point d’interrogation concerne la fonction du propriétaire du bateau et touche au droit du travail. Comme parfois avec l’économie du partage, il pourrait y avoir un risque de précarisation de ses contributeurs. « Le skipper n'est pas un chauffeur », rappelle à cet égard Jérôme Heilikman. Cela veut dire qu’il ne doit pas réaliser un trajet à la demande spécifique d’un « passager ». « Cela s’apparente à une activité commerciale à part entière, devant être déclarée, nécessitant un brevet spécial, du personnel qualifié à bord… mais devant également être rémunérée comme telle et donner droit à une protection sociale », précise le juriste. Le risque pour le propriétaire est aussi de ne pas être couvert par son assurance en cas d’accident. Qu’on se place du point de vue du propriétaire ou des équipiers, le cobaturage doit donc rester à but non lucratif et concerner un trajet qui aurait de toutes les façons été fait.

 

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